Voici environ treize ans que je vis au milieu des moutons. Tout a commencé par une reconversion dans le monde agricole. J’adorais les animaux, et l’idée d’être à la campagne parmi eux me plaisait énormément.
Il a fallu ensuite décider de l’élevage que je voulais réaliser. Je me sentais plus attirée par le mouton. Les ovins inscrits ne partiraient pas à la boucherie mais feraient de la reproduction. De plus, comme de nombreuses personnes, j’étais certaines que je n’aurais pas trop de mal à me séparer de ces animaux au moment de la vente.
Peu à peu j’appris à connaître ces animaux, à comprendre à quel point ils n’étaient pas une marchandise mais des être vivants… comme nous.
Au moment de l’agnelage, si elles en ont la possibilité, les brebis laissent à la future mère, un espace vide autour d’elle. Les agneaux eux-mêmes respectent ce lieu. La mère peut alors faire son petit en toute quiétude. Sitôt né, la brebis pousse un bêlement très particulier que tout éleveur connait bien afin de se faire reconnaître de son agneau au milieu du troupeau. Peu à peu, certaines mères viennent voir le petit dernier à tour de rôle.
Il ne faudrait pas s’imaginer l’agnelage est aussi simple que cela : il y a des brebis maternelles, d’autres non. Certaines ont leur premier agneau et ne savent comment s’y prendre. Il y a les jalouses, les envieuses, celles qui abandonnent leur progéniture… exactement comme dans notre monde d’humains.
C’est parfois assez comique d’observer la manière dont les mères élèvent leurs agneaux. Il y a les « mamans poules « qui étouffent littéralement leurs petits d’attentions, les « décontractées », celles qui se font mener par le bout de leur nez par leurs agneaux !
Après environ trois semaines un système de crèche se met en place. Quelques brebis veillent chacune sur une dizaine d’agneaux, pendant que leurs mères respectives vont brouter l’herbe verte plus loin. J’ai remarqué qu’une espèce de roulement se faisait à tour de rôle permettant aux mamans de se reposer un peu.
Je pourrais vous raconter des heures d’anecdotes sur mes moutons. Cet animal, comme tous les animaux du reste, n’est pas juste de la viande sur pattes. Il mérite un peu plus d’estime de notre part.
Doit-on admettre que la vie des animaux de ferme n’a pas d’importance et que l’inéducable aboutissement de l’existence de ces êtres vivants n’est que la souffrance des transports sans fin et celle des abattoirs sordides ?
C'est la raison pour laquelle j'ai arrêté la reproduction il y a maintenant cinq ans.
J’ai donc décidé de sauver mes moutons en ne les exploitant pas mais en les laissant vivre en paix. Et j’ai créé l’association Domaine des Douages parce qu’il m’était difficile de subvenir seule aux besoins de ma grande famille. Notre grande famille, je veux dire ! Car mes moutons, ce sont aussi les vôtres si vous voulez les sauver !
"Belle " c'est son nom ! Car beaucoup de moutons
ont un grand faible pour elle ! C'est qu'elle est belle !
Article de Dominique Mauer - domaine des Douages